Le vendredi 14 juillet, L’Association canadienne de l’immobilier (ACI) a publié ses statistiques nationales sur l’habitation pour le mois de juin en plus d’une mise à jour de ses prévisions.
Shaun Cathcart, économiste principal à l’ACI, fait le point sur l’état des marchés de l’habitation au Canada et explique ce que les données signifient pour les membres.
L’année dernière, nous avons prévu un rebond au printemps. Et pourtant, dans les premières prévisions que nous publions depuis que cette projection s’est avérée, nous avons dû réviser à la baisse nos perspectives du marché.
Avant même la reprise des hausses de taux par la Banque du Canada, le rebond printanier des ventes avait montré des signes de fléchissement. La plus forte augmentation des ventes d’un mois à l’autre a été enregistrée en avril, suivie d’une augmentation plus faible de moitié en mai, puis d’une légère hausse de 1,5 % en juin.
Cette situation s’explique probablement par le fait que les nouvelles inscriptions avaient atteint leur niveau le plus bas en 20 ans, et qu’il est impossible d’acheter ce qui n’est pas à vendre. Le marché de la revente est alimenté par les propriétaires qui mettent leur maison en vente puis déménagent. Il n’est pas surprenant que les propriétaires ne soient pas tentés d’augmenter leur dette hypothécaire pour acquérir une maison plus luxueuse : les taux ont atteint des sommets jamais vus en une génération! Mais, cela signifie que leur propriété n’est pas mise en vente pour que quelqu’un d’autre l’achète; c’est l’inverse de la situation qui s’est produite en 2021.
La rareté des inscriptions conjuguée à une intensification soudaine de la demande a entraîné un resserrement rapide du marché. Il en a résulté des hausses de prix d’un mois à l’autre d’environ 2 % en avril, mai et juin. Il s’agit d’une hausse considérable pour un seul mois, encore plus pour trois mois consécutifs. La seule fois où j’ai observé des hausses de prix plus importantes, c’était en plein cœur de la pandémie. Le rebond printanier touche jusqu’à présent les prix plutôt que les ventes.
Cela dit, je ne crois pas que la situation perdurera, puisque les nouvelles inscriptions ont récemment connu une hausse. L’inventaire a enfin augmenté au cours des derniers mois. Voilà la bonne nouvelle.
La mauvaise nouvelle, même si elle était prévisible, c’est que la Banque du Canada a recommencé à hausser les taux d’intérêt. Le message de la Banque dans sa dernière décision avant la pause estivale était toutefois plus surprenant. En voici quelques grands points :
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- Les gens dépensent encore sans compter.
- L’inflation d’une année à l’autre devrait rester près des niveaux actuels pour une année complète, avant de commencer à diminuer pour atteindre le niveau que vise la Banque. Il faudra pour cela attendre une autre année, ce qui nous amène au milieu de 2025.
[Note de l’auteur : Qu’en est-il de l’influence des facteurs démographiques sur la tendance à
« dépenser sans compter »? Pour la première fois de l’histoire, les personnes de plus de 60 ans sont très nombreuses à cesser de travailler, à épargner moins, à être libres de dettes, et à être généralement en mesure de faire des dépenses. Les baby-boomers représentent une grande portion de la population, et de nos jours, ils sont probablement beaucoup moins sensibles à la politique monétaire de la Banque du Canada que par le passé. Gardons cette situation à l’œil.]
On constate au deuxième point que la Banque a repoussé ses objectifs, et de beaucoup. Comment devrions-nous interpréter cela? Je me demande si la Banque ne craint pas de créer plus de problèmes qu’elle n’en réglera si elle augmente encore les taux, si bien qu’elle se serait résolue à freiner l’inflation plus lentement que prévu. Je sais que les décideurs se demandent si nous nous approchons du point de non-retour pour certains détenteurs de prêts hypothécaires. Mais peut-être n’auront-ils pas le choix d’augmenter encore les taux d’intérêt. Seul l’avenir nous le dira.
Cette nouvelle prévision d’inflation, si elle s’avère, aura une incidence sur les personnes qui renouvelleront leurs prêts hypothécaires ces prochaines années, parce que nous ne verrons pas de sitôt une diminution de taux.
À court terme, soit cet été et cet automne, je m’attends à une incidence sur le marché de la revente similaire à celle que nous avons connue en 2022 – l’incertitude généralisée refroidira les ardeurs de certains acheteurs. Une hausse de l’offre conjuguée à une diminution de la demande devrait freiner la croissance des prix et donner lieu à un marché plus calme et équilibré durant la deuxième moitié de l’année. C’était le principal facteur qui a influencé notre récente révision des prévisions.
Il nous reste quelques semaines avant la prochaine annonce relative aux taux de la Banque du Canada (6 septembre). Nous analyserons les nouvelles données pour tenter d’établir ce qui nous attend. Rappelons qu’après l’annonce d’avril, beaucoup d’observateurs s’attendaient à des réductions de taux cette année. La situation a donc beaucoup changé, et elle pourrait encore évoluer. Croisons les doigts.